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Colloque sur " l'Allégorie. Théories et pratiques", organisé par l'Institut des traditions textuelles du 04 au 06 février 2003. Paru dans "Réceptions de la cabale", l'Eclat 2007.
Le 13 juin, Charles a quitté la vie.

           
ALLEGORIES, SYMBOLES ET SIGNES DANS LA MYSTIQUE THEOSOPHIQUE JUIVE MEDIEVALE

 



Par Charles Mopsik

Parmi les auteurs juifs médiévaux qui ont permis à l’interprétation non littérale (je réserve pour le moment un terme positif plus approprié) de faire un bond en avant, et qui ont contribué à l’élaboration d’une théorie articulée consistante, il me semble que Joseph Gikatila, mérite une attention soutenue. Cabaliste castillan né à Medinaceli en 1248, il mourut vers 1325. Il vécut de nombreuses années à Ségovie, et entre 1272 et 1274, il étudia la mystique des lettres sous l'égide de R. Abraham Aboulafia qui le considérait comme son meilleur élève. Il peut être considéré comme l'un des écrivains les plus doués de son temps. Son premier ouvrage, écrit à l’âge de 26 ans, Le jardin du noyer (Guinat Egoz), publié en 1615 à Hanovre, porte la marque de cet enseignement. Il combine la mystique symbolique de l'alphabet hébreu et des points-voyelles, des spéculations sur les noms divins, avec une doctrine des sefirot (les dix nombres primordiaux du Livre de la Création) de type philosophique, qui les identifie avec les "Intelligences" de l'aristotélisme de Maïmonide. On lui doit en effet à ce cabaliste un commentaire mystico-philosophique du Guide des égarés, ainsi qu’un commentaire sur le Cantique des Cantiques et sur la vision d'Ezéchiel. Il est l'auteur d'un nombre important d'ouvrages et d'opuscules consacrés aux diverses branches de la cabale. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il embrassa la cause de la cabale théosophique, celle que l'Ecole du Zohar et Moïse de Léon diffusèrent avec brio. Joseph Gikatila rédigea dans la veine de ce courant Les portes de la justice (Cha'aré Tsedeq), publié en 1559, qui explique le système des sefirot, et surtout Les portes de la lumière (Cha'aré Orah) qui devint un grand classique et une œuvre majeure du mysticisme juif médiéval.
Jopseh Gikatila a donc un point de départ assez commun aux penseurs juif médiévaux de son siècle : la pensée de Maïmonide, et en particulier, l’interprétation de type allégorique de passages la Bible. Mais à partir de sa rencontre avec Abraham Aboulafia, c’est une interprétation ésotérique du Guide des égarés qui guidera sa lecture de ce livre et en conséquence, la Bible dans son ensemble, et surtout les passages les plus difficiles à intégrer à la raison philosophique, seront reconsidérés et abordés d’une nouvelle manière, que nous allons nous attacher à décrire.
Le texte qui a surtout retenu notre attention traite d’un thème crucial de l’interprétation biblique : celui des anthropomorphismes. Le grand ouvrage de Maïmonide, le Guide des égarés, y avait consacré ses premiers chapitres. Parmi les problèmes liés à l’interprétation rationnelle des passages de la Bible, celui qui a trait aux versets qui évoquent la divinité en lui attribuant des traits corporels humains, est sans l’un des plus délicats. Il ne s’agit pas seulement de conférer à un personnage biblique, légendaire ou historique, le statut d’une vertu ou d’une puissance universelle, pour donner au texte révélé une portée élargie, pour qu’il puisse concerner tous les hommes à toutes les époques, et cela en usant de l’interprétation allégorique, mais de lire la Bible de telle sorte que le Dieu de la révélation, personnage par excellence du récit biblique, soit aussi un Dieu transcendant, intelligible, acceptable par la pensée rationnelle, en un mot un Dieu métaphysique. L’instrument de cette rationalisation de la divinité, qui est aussi une forme de démythification, au sens précis où il va lui permettre d’échapper à l’emprise du récit, tout en demeurant lié à sa source prophétique, n’est pas pour Gikatila une réduction allégorique ou symbolique des éléments clés de la Bible, en l’occurrence des termes qui désignent Dieu sous des traits anthropomorphes. Nous allons voir que pour ce penseur cabaliste, qui est l’un des rares à exprimer une théorie de l’interprétation de manière aussi explicite et distincte, ce n’est pas en élevant la terminologie des anthropomorphismes au rang de concepts universels dotés d’un sens tout autre, en faisant d’elle une série d’allégories ou de symboles, qu’il va relever la divinité de sa chute dans une narration, et donc dans l’imaginaire, mais en resserrant les liens entre les mots et les choses, en l’occurrence entre les parties du corps divin du récit et leurs vis-à-vis du corps humain de la réalité concrète. Au lieu qu’une main ou qu’un œil divins deviennent un symbole, ils rejoignent la main ou l’œil du corps vivant et s’identifient à eux. Il est probable que la méthode cabalistique d’interprétation, déclinée de diverses façons, s’est donnée pour but principal d’aménager une pensée des anthropomorphismes bibliques pour qu’ils s’intègrent dans un système ontologique élaboré en fonction des besoins même de l’interprétation. Ainsi, c’est une interaction et une rétroaction en boucle entre interprétation et doctrine métaphysique que les cabalistes médiévaux ont mise en place. Le cercle tracé selon cette exigence n’est pourtant par un cercle fermé, puisqu’il s’ouvre et se prolonge précisément en ces anneaux où l’homme et son action volontaire interviennent et remplissent une fonction essentielle. Cercle en pointillé donc où les traits qui réunissent les segments sont représentés par la dynamique des pratiques religieuses et morales des hommes. 

Lisons d’abord puis traduisons le texte annoncé, en tentant de suivre très étroitement les nuances et les vocables choisis avec beaucoup de précaution par Joseph Gikatila (R. Joseph Gikatila, Cha’arey Orah, introduction, Varsovie, 1883, fol. 2a-b) :
 
« Tel est le grand principe : Sache que la véritable essence du Créateur béni est inaccessible en dehors de lui, et si son lieu n’est connu d’aucune des cohortes d’en haut, à plus forte raison son essence véritable. Vois ce que disent les anges des cieux : ‘Béni soit la gloire du Seigneur depuis son lieu’ (Ezéchiel 3:12), où qu’il soit ! Si l’en va ainsi des résidents d’en haut, combien plus des résidents d’en bas. Dans ce cas, tous les termes que nous lisons dans la Torah du même type que ‘main’, ‘pied’, ‘oreille’, ‘œil’, et d’autres semblables, que désignent-ils ? Sache et croie que tous ces termes, bien qu’ils se rapportent à et témoignent de Sa grandeur et Sa véridicité, nulle créature ne peut connaître et comprendre la quiddité de la chose appelée ‘main, pied, oreille’, et ainsi de suite. Si nous sommes effectivement faits à l’image et à la ressemblance [de Dieu], ne pense pas que l’œil est selon la forme de l’œil même, ou que la main est selon la forme de la main même, mais il s’agit d’entités ésotériques {ou introverties}, et intérieures aux plus ésotériques, au sein de la vraie existence du Seigneur, béni soit-il, desquelles la source et l’épanchement se distribuent sur tous les existants suivant le décret du Nom, qu’il soit béni. Mais la quiddité de la main n’est pas comme la quiddité de la main, et leur structure n’est pas identique, ainsi qu’il est dit : « A qui me comparerez-vous, et à qui serai-je identique ? » (Isaïe 40:25). Sache et comprend qu’il n’y a pas entre Lui et nous de ressemblance en matière d’essence et de structure, mais [en matière] d’intention des formes des organes qui sont en nous, qui sont façonnés à l’image de signes (simanim), entités encloses supra célestes, que l’esprit ne peut connaître si ce n’est à l’image d’un souvenir. Comme lorsqu’on écrit : « Ruben fils de Jacob » ; ce ne sont là ni les lettres ni la forme même de Ruben fils de Jacob – forme, structure, quiddité. Mais il s’agit du souvenir que c’est Ruben fils de Jacob. L’écrit est signe correspondant à l’essence et à la structure spécifique appelées Ruben fils de Jacob.
Et parce que le Seigneur béni a voulu que nous acquérions du mérite, il a créé dans le corps de l’homme divers organes cachés et apparents à l’image de signes de l’œuvre du Char [système des dix émanations]. Si l’homme mérite de purifier l’un de ses organes, celui-ci sera à l’image d’un trône pour la chose supra céleste intérieure appelée du même nom : si c’est un œil, ‘œil’, si c’est une main, ‘main’, et ainsi de suite de tous les autres. De quelle manière ? Comme lorsqu’un homme prend garde et protège la vision de ses yeux, veillant à ne pas se repaître la vue d’une chose obscène ni de rien d’indigne, et qu’il ne regarde que les objets qui sont sainteté du Seigneur et son culte. Alors cet œil devient comme un trône pour la chose appelée en haut ‘œil’, ainsi la main, le pied, et tous les autres organes. A ce sujet nos sages ont dit : ‘Les pères ce sont eux le Char [divin]’. Ils n’ont pas dit que chacun des pères état le Char, mais ‘les pères’. Comment cela ? Abraham notre père prit dans la pureté le côté droit et hérita la Droite d’en haut, qui est la dimension de la Grâce, et il est dit à cet égard : ‘Puis d’étape en étape, Abram gagna le Sud’ (Genèse 12:8). Isaac prit dans la pureté la dimension du côté gauche, qui est la Frayeur, et il fut dit à ce sujet : ‘Jacob jura par la Frayeur de son père Isaac’ (Gen. 31:53). Jacob prit dans la pureté le côté de la Ligne médiane, et il fut dit à ce sujet : ‘Jacob était un homme simple, qui demeurait sous les tentes’ (Gen. 25:27) : entre la tente d’Abraham et la tente d’Isaac. Les trois patriarches se trouvèrent être un trône pour le Char. C’est de cette façon que tout prend place et que le Créateur est établi sur son Siège.
Il nous faut à présent t’éclairer sur un sujet qui dépend de celui-ci. Sache que les vertus (ou dimensions) dépendent des organes. Comment ? La vertu de l’œil est la vue, la vertu de l’oreille est l’audition, la vertu de la main est le toucher, la vertu du pied est la marche. Or les vertus découlent des organes, et puisque que nos maîtres évoquent à propos de l’en haut le terme de ‘vertus’, il nous faut traiter de cette question comme il te faut réfléchir  à la question de l’oreille, de la main, et du main, dont nous avons parlée. De même qu’il n’est pas de commune mesure entre nous et Lui en ce qui concerne les organes, il n’en est point en ce qui touche les vertus. Comme il nous faudra dans ce livre utiliser la terminologie des vertus, prends bien garde à ton âme de peur de trébucher en disant que le Seigneur béni possède une vertu finie ou mesurée, car il n’en est rien. De même que les entités ‘œil’ et ‘oreille’ n’ont ni mesure ni limite, ni ressemblance, tel est le cas des vertus. […] Le principe auquel tu dois adhérer est qu’il n’est pas de ressemblance entre les vertus du Seigneur béni et nos vertus à nous. Sauf seulement selon la voie de la mémoration d’un signe au moyen d’un nom. »


כלל גדול: דע כי אמיתת עצם הבורא יתברך איננה מושגת לזולתו ואין בכל המוני מעלה יודע מקומו, כל שכן עצם אמיתתו. הלא תראה מלאכי מעלה מה הם אומרים: ברוך כבוד י"י ממקומו (יחזקאל ג, יב) בכל מקום שהוא. ואם עליונים כך, תחתונים על אחת כמה וכמה. אם כן כל אותם העניינים שאנו קורים בתורה, כגון יד ורגל, אוזן ועין, ושאר כל כיוצא בהם, מה הוא? דע והאמן כי כל אותם העניינים אף על פי שהם מורים ומעידים על גדולתו ואמיתתו, אין כל בריה יכולה לדעת ולהתבונן מהות אותו הדבר הנקרא יד ורגל ואוזן וכיוצא בהם. ואם אנו עשויים בצלם ודמות, אל יעלה בדעתך, כי עין בצורת עין ממש, או יד בצורת יד ממש, אבל הוא עניינים פנימיים ופנימים לפנימיים באמיתת מציאות י"י יתברך, אשר מהם המקור והשפע יוצא לכל הנמצאים בגזירת השם יתברך. אבל אין מהות יד כמהות יד, ולא תבניתם שווה, כמו שאמר ואל מי תדמיוני ואשוה (ישעיה מ, כה). ודע והבן שאין בינו ובינינו דמיון מצד העצם והתבנית, אלא כוונת צורות האברים שבנו שהם עשויים בדמיון סימנים, עניינים סתומים עליונים שאין הדעת יכולה לדעתם אלא כדמיון זכרון: כמו שכותב 'ראובן בן יעקב'. שהרי אין אלו האותיות ואין זו הצורה עצמה של ראובן בן יעקב צורתו ותבניתו ומהותו, אלא זיכרון, שזה ראובן בן יעקב הכתוב הוא סימן כנגד אותו עצם ותבנית הידוע הנקרא ראובן בן יעקב. ולפי שי"י יתברך רצה לזכותינו, ברא בגוף האדם כמה אברים נסתרים ונגלים בדמיון סימן למעשה מרכבה ואילו יזכה אדם לטהר אבר מאבריו, יהיה אותו אבר כדמיון כיסא לאותו דבר עליון הפנימי הנקרא בשם זה, אם עין עין, אם יד יד, וכן לכל השאר. כיצד כגון שנזהר ונשמר אדם אחד במראה עיניו שלא יביט ולא יסתכל בדבר ערוה ולא בשאר כל דבר של גנאי אלא בכל דבר שהוא קדושת י"י ועבודתו, אז אותה עין נעשית כמו כיסא לאותו דבר הנקרא למעלה עין. וכן היד והרגל ושאר כל האברים. ועל זה אמרו חז"ל:
האבות הם המרכבה, ולא אמרו כל אחד מהאבות הוא המרכבה, אלא האבות. כיצד? אברהם אבינו עליו השלום לקח בטהרה צד ימין וירש ימין של מעלה, שהוא מידת החסד, ועל זה נאמר: ויסע אברם הלוך ונסוע הנגבה (בראשית יב, ח). יצחק לקח בטהרה מידת צד שמאל, שהוא הפחד, ועל זה נאמר וישבע יעקב בפחד אביו יצחק (שם לא, נג). ויעקב לקח בטהרה צד קו האמצעי ועל זה נאמר: ויעקב איש תם יושב אוהלים (שם כה, כז), בין אהל אברהם ובין אהל יצחק. נמצאו שלושת האבות כיסא למרכבה, ועל דרך זה הושב הדבר על בוריו ויוצר על מכונו:
ועתה יש לנו להאיר עיניך בעניין תלוי על זה. דע כי המידות הם תלויות באברים. כיצד? מידת העין היא הראות, מידת האוזן היא השמע, מידת היד היא המישוש, מידת הרגל היא ההליכה. והנה המידות נמשכות אחר האברים ולפי שהזכירו חז"ל כלפי מעלה לשון מידות, יש לנו לדון עניין המידות כמו שיש לך לדון עניין אוזן ויד ורגל שאמרנו. וכמו שאין ערך בינינו בעניין האברים, כך אין ערך בינינו לעניין המידות. ולפי שאנו צריכים להשתמש בחיבור זה בלשון המידות, הישמר לך ושמור נפשך מאוד פן תכשל ותאמר שיש לי"י יתברך מידה מוגבלת או משוערה, שאין הדבר כך. אבל כמו שאין לעניין עין ואוזן שיעור וגבול ודמיון, כך הוא הדין במידות. והנה רז"ל קראו לשמותיו הקדושים מידות, כדגרסינן פרק קמא דראש השנה: אמר רב יהודה ברית כרותה לשלש עשרה מידות שאינן חוזרות ריקם, שנאמר הנה אנכי כורת ברית (שמות לד). ושלוש עשרה מידות הם י"י י"י אל רחום וחנון ארך אפים וגו'. והכלל שיש לך להאמין בזה שאין דמיון בין מידות י"י יתברך ובין מידותינו, זולתי בדרך הזכרת סימן בשם לבד. ועל זה ארז"ל בכמה מקומות: בוא וראה שלא כמידת הקב"ה מידת בשר ודם ואחר שמסרנו בידך מפתח הקדמה זו, יש לנו להיכנס בביאור כל שם ושם משמות הקודש הכתובים בתורה ולהאיר עיניך בכל מקום שתמצא כתוב שם אחד מהם, וכדי שתבין ותשכיל מקור מים חיים שהוא נובע מכל שמותיו יתברך. וכשתשיג דבר זה או תצליח את דרכיך ואז תשכיל:


Dans la première partie de ce texte, Joseph Gikatila annonce que les termes utilisés par la Bible, et en particulier les anthropomorphismes, font partie d’une langue intérieure, constituée de « termes ésotériques », expression dont l’hébreu pourrait être rendu plus plaisamment par « signifiants introvertis », ou « tournés vers l’intérieur » : ce ne sont pas des termes employés pour la communication, pour adresser des messages de l’intérieur vers l’extérieur, par exemple, mais pour désigner de l’intérieur ce qui se passe à l’intérieur. Une langue intérieure, qui se dit en Dieu même. Ce qui n’implique pas que, regardés, lus ou énoncés, de l’extérieur, par un lecteur, un interprète, ces termes sont des allégories, désignant des choses ou des opérations qui lui seraient totalement étrangères, et n’ont aucune relation avec lui, avec ce qu’il fait ou ce qu’il est et ce qu’il vit. Pour autant que la réalité humaine se situe à l’intérieur d’un continuum qui est la vie divine, ou, comme le dit l’auteur, la « vraie existence » divine, elle parle « la même langue que Dieu », elle peut se dire dans les termes mêmes qui font sens comme « signifiants introvertis », au sein même de l’être divin. Ainsi, la « main » se rapporte aussi bien à la réalité divine qu’à la réalité humaine et il ne s’agit plus alors d’un anthropomorphisme mais d’un « théomorphisme ». La chose concrète, en l’occurrence un organe du corps humain, loin d’être le symbole plus ou moins vague d’un élément du monde divin, ou de renvoyer allégoriquement à un organe d’un corps divin tout autre, au point que l’expression même de « corps divin » serait un simple artifice rhétorique, une métaphore, est le support, le lieu de résidence, la sainte demeure, le sanctuaire, de l’organe du corps divin correspondant. Esotérique n’équivaut pas à ce qui caché, mais à ce qui est dedans, à ce qui est tourné vers l’intérieur (penimiyim). Certes, les deux sens souvent se recouvrent. Mais l’insistance ici porte moins sur le caractère inaccessible ou hors de portée intellectuelle ou sensible d’un organe du corps divin, que sur le monde intérieur dont il fait partie et que l’homme peut partager dans une certaine mesure, si l’on en croit la deuxième partie du texte de Gikatila.
Avant d’aborder cette seconde section, il pourrait être utile de rappeler quelques conclusions relatives à l’herméneutique qu’un spécialiste de l’histoire de la mystique juive médiévale et de ses formes a tirées de son étude comparée des deux grandes écoles mystiques : l’école de cabale extatique, dont Abraham Aboulafia demeure la figure principale, et l’école de cabale théosophique, dont le livre du Zohar est le représentant livresque le plus connu. Alors que l’école extatique d’Aboulafia, qui tend à désintégrer le texte canonique en ses unités linguistiques primaires et à rejeter son sens littéral, accorde une place importante à l’allégorie, et propose par exemple des interprétations allégoriques du Cantique des Cantiques assez typiques d’une forme d’exégèse philosophique que l’on rencontre chez divers auteurs juifs médiévaux, l’école théosophique adopte une forme d’exégèse symbolique, - j’utilise ici la terminologie consacrée sans la reprendre à mon compte – par laquelle elle traite comme à tâtons d’un monde quasi-impénétrable, se situant au degré ultime de l’intelligible, et qui ne peut être perçu qu’au moyen d’images, de concepts, aussi flous que lui-même, autrement dit de « symboles ». Ainsi, Moshé Idel, La cabale, nouvelle perspective, p. 408-409 déclare : « L'herméneutique de la cabale théosophique reflète une anthropologie différente. De même que le corps humain reflète la théosophie la plus haute, ainsi la signification obvie du texte ; ni le corps ni le texte n’ont besoin d’être détruits pour que l’on atteigne la connaissance ésotérique ultime : ils sont les points de départ de la contemplation, une matière qui doit être pénétrée sans oblitérer sa structure fondamentale. Pour le cabaliste théosophe, l'unité fondamentale n'est pas la lettre monadique, libérée de ses liens avec le texte canonique [comme il en va pour le cabaliste extatique], mais le mot, qui demeure généralement intact tandis que sa signification ésotérique fait allusion à une hypostase divine. Alors qu’il se réfère à une entité supérieure, le mot isolé fait encore partie de la phrase de base, qui est interprétée in toto comme le symbole d'un processus. Par contraste avec la monadisation, la symbolisation se réfère davantage au texte canonique, tel qu’il a été reçu par la tradition. La cabale extatique prescrit des techniques mystiques pour la réalisation de la perfection de l'individu, qui doivent être employées dans un total isolement ; la cabale théosophique souligne le rôle de la communauté comme unité capable d'agir dans une voie orientée vers l’autre au bénéfice de la divinité, plus que pour le propre bien-être des hommes. »

Il me semble que le texte précité de Joseph Gikatila permet d’apporter une nuance importante à cette analyse. Rappelons d’abord que cet auteur est à la fois un disciple d’Abraham Aboulafia (son meilleur élève selon l’appréciation de son maître) et l’un des plus grands représentants, avec Moïse de Léon, de l’école de cabale théosophique. Situé entre ces deux courants de la mystique juive médiévale espagnole, Joseph Gikatila en a tiré parti pour développer un point de vue qui les conjoint efficacement. Dans son texte, il apparaît que le terme central, l’axe de son développement est la notion qu’exprime le mot siman, traduit par « signe ». Ce terme, d’origine grecque (sema), déjà présent dans la littérature talmudique des premiers siècles, supporte l’essentiel du poids de la démonstration. Les mots qui désignent dans le texte biblique des organes du corps divin, qui avaient déjà fait l’objet de longs développements critiques dés les premières pages du Guide des égarés de Maïmonide, scandale pour la raison philosophique, pierre de touche de multiples débats théologiques, sont considérés par Gikatila comme les « sémaphores » qui assurent le relais entre deux domaines distincts incommensurable : le monde d’en haut et le monde d’en bas. En clair, ces « signes » ce sont les dix sefirot ou chiffres du Livre de la Création, conçus comme dix émanations qui répandent l’épanchement, le fluide existentiateur qui donne vie à tout ce qui est. Signes ou entités ontiques ? Signifiants ou réalités concrètes ? Le texte semble osciller entre ces deux possibilités, qu’il épouse d’un même élan et dont il maintient, implicitement au moins, l’ambiguïté. Mais ce qui nous paraît être à juste titre une faille dans le raisonnement de l’auteur, qui consiste à attribuer à de simples signes, « main », « pied », « œil », etc., en tant que mots inscrits dans le texte biblique, une réalité non pas seulement signifiante mais aussi ontologique, constitue en fait me semble-t-il le cœur de la pensée de Gikatila. Comme cela apparaît encore plus clairement dans la dernière partie du texte et dans la suite du chapitre introductif du livre Les Portes de la Lumière, ces termes que nous avons qualifiés un peu vite d’anthropomorphismes, sont en réalité pour l’auteur, des noms divins. Le livre canonique, pour lui est « entièrement tissé de noms saints », comme il le dira dans une célèbre formule. Or ces noms ne sont pas des formulations arbitraires. Ils constituent à proprement parler un panthéon, chacun se rapporte, à cause de sa propre vertu et non en raison d’un choix humain qui aurait pu être différent, à l’une des entités de l’existence divine. Si en effet l’essence divine est inaccessible, comme le dit Gikatila au début du passage, son existence, manifestée dans le Char, à savoir dans le système des dix émanations, s’exprime en s’épanchant : influx ontique et sémantique. C’est ici que l’homme intervient et joue un rôle considérable : dans la mesure où il purifie ses organes corporels, il fait d’eux des trônes sur lesquels ces entités supérieures, main, œil, oreille, etc., s’établissent dans le monde d’en bas et ainsi il « établit le Créateur sur son Siège ». Ce qui lui confère bien sûr royauté et présence. Les noms divins qu’on lit dans la Torah, en fait tous les mots dont elle est composée, que la mémoire ainsi sollicitée permet de reconnaître, d’identifier, et d’associer à la source infinie d’où ils émanent, s’ils sont des « signifiants introvertis », faisant signe et reconduisant vers l’intérieur de l’être divin, n’en sont pas moins des mots prononçables, qui racontent une histoire, qui agissent pour ouvrir le ciel aux prières des hommes, et qui peuvent être sollicitée pour œuvrer à leur bien être et même à leur guérison. Il est courant d’user du terme de « magie » pour désigner cet usage des noms, auquel veut initier savamment Joseph Gikatila dans le respect de leur fonction bien comprise et à des fins de connaissance au moins autant sinon davantage que d’utilisation pratique. C’est là une terminologie qui devrait susciter débats et contestations, puisque ce mot a essentiellement une fonction polémique et de stigmatisation. Pour éviter d’entrer dans ce débat présentement inapproprié, il suffit de considérer que pour notre auteur, Dieu donne de lui en donnant l’être aux mondes. Par le biais de ces noms, qui non seulement le désignent comme des signifiants un signifié mais surtout l’acheminent jusque sur la terre des hommes, tout en déployant la diversité de ses puissances, ses actions rencontrent celles des hommes, pour le meilleur ou le pire.
Ainsi par exemple Abraham a pris la « main Droite » de Dieu et il est devenu le trône de cette dimension également appelée Grâce. La Droite d’en haut a désormais une place ici bas. Cette « main » droite n’est pas le symbole d’une entité divine, d’une émanation, appelée Hessed (Grâce). Elle est cette entité. La main droite de l’homme en est le « sémaphore ». Avec Isaac et Jacob, les deux autres grands patriarches bibliques, c’est l’ensemble du « Char » qui se reconstitue, les trois émanations qui en forment la structure supérieure jouant un rôle clé dans la trame du récit biblique. D’après une sentence rabbinique ancienne, qui remonte à Beréchit Rabba (Ve siècle), cité par Gikatila, « les patriarches sont le Char ». Notons bien qu’ils ne sont pas des allégories du Char divin, ou des symboles de ce Char. Ils « sont » le Char. Cela ne signifie pas non plus qu’ils l’incarnent de quelque façon, ou qu’ils le manifestent. Gikatila emploie un terme très connoté : les pères anciens « prirent » tel ou tel organe du corps divin. Ce verbe « prendre » est employé communément dans la Bible pour désigner l’acte par lequel un homme épouse une femme, ou encore le fait de revoir une leçon, un enseignement. La Torah ou la Sagesse sont désignées par le mot « prise ». Il se réfère au fait de faire corps avec quelque chose ou une personne. Une sorte de solidarité indéfectible. Peut-être est-ce en ce sens qu’il faut entendre la prise par Abraham et ses descendants immédiats des middot, vertus, dimensions, entités, divines composant le Char. Un « être avec » est scellé en une alliance qui ne peut être rompue, et qui dépasse les aléas des volontés respectives des alliés. Mais quelque soit la forme de cette union, désormais l’existence divine ne pourra pas s’entendre, se penser, se prier autrement qu’en y reconnaissant « le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob », comme dirait Pascal, et comme le répète la prière des Dix-Huit Bénédictions, prière principale du judaïsme. Plus globalement encore, l’interprétation des Ecritures aura alors pour tache de déceler dans les mots du texte biblique des noms divins, et parmi ces noms divins, des noms qui se rapportent aux trois dimensions du Char, qui sont aussi Abraham, Isaac, Jacob. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces personnages du récit, demeurent, malgré leur « promotion » au rang d’éléments du Char divin, des personnages du récit. Le sens littéral (ou historique) n’est pas démoli par le sens ésotérique, mieux traduit du reste par « signification introvertie ». Il est certes chahuté, remué, et enrichi, ensemencé. C’est au sein de la mémoire, auquel Gikatila attribue le rôle de réservoir des liens entre les mots écrits ou lettres et les corps et leurs organes, que la métamorphose des signes graphiques en noms divins porteurs des épanchements, advient et à partir de laquelle pourra être évoquée et invoquée leur puissance. Cette puissance est manifestée et employée pour les besoins de l’homme, afin d’obtenir des réponses à ses requêtes. Cette utilisation et manipulation de la puissance divine par le biais des noms, c’est-à-dire de n’importe lequel des mots du texte biblique, pourvu qu’il soit choisi à bon escient et de manière appropriée, traduit d’une part la recherche de l’efficacité dans les demandes adressées lors des prières et d’autre part, tend à considérer l’ensemble du livre saint comme un réservoir non pas de symboles disponibles, ou d’allégories que l’interprète peut mettre en mouvement, mais d’objets linguistiques et surtout graphiques constituant une sorte d’immense « amulette » dont le déchiffrement n’est qu’une première étape, certes indispensable mais qui doit être suivie par un savoir faire et une pratique concrète.
En tant que « trône » des organes du « corps divin » ésotérique, ce grand signifiant « introverti », l’homme qui a purifié ses membres est la demeure de la présence divine, et cela en tant que corps animé et non comme pur esprit. Il devient alors comme l’un des trois patriarches, et devient le véhicule d’un des aspects de la divinité, le « trône du Char » céleste.
On perçoit clairement que le passage précité du livre de Joseph Gikatila peut être considéré comme une tentative de résoudre une contradiction apparente des Ecritures. Entre un verset qui affirme que l’homme a été créé à l’image de Dieu et à sa ressemblance (Genèse 1:26-27, etc.) et un autre verset qui énonce que rien ne ressemble à Dieu et que rien ne lui est comparable (Isaïe 40:25). Entre une affirmation que l’on pourrait dire de type mythique, et une autre qui pourrait avoir la faveur d’une théologie rationnelle. Entre un Dieu visible et imaginable, et un Dieu transcendant qui ne peut être représenté. La distance qui sépare ces deux versets peut être comblée de deux manières distinctes. La première donnerait l’avantage au verset d’Isaïe, le considérant comme disant la vérité sans voile de la réalité divine et voyant dans le verset de la Genèse une forme ou une autre de représentation allégorique, ne concédant tout au plus de ressemblance quelconque entre l’homme et Dieu, comme le fait Maïmonide, qu’en ce qui concerne sa raison ou intellect. Une autre interprétation pourrait donner l’avantage au premier verset, considérant cette image et cette ressemblance comme désignant une réalité divine structurante et totale, alors que le verset d’Isaïe ne ferait qu’affirmer l’existence d’un immense décalage entre la vraie « ressemblance divine » et ce que l’homme est capable d’en supporter. Dans l’interprétation qu’en propose Joseph Gikatila ici, il paraît donner ses faveurs tour à tour à l’affirmation du premier et du second verset. Balance entre deux conceptions incompatibles ? Ne peut-il se décider pour l’une ou pour l’autre ? Tout se passe comme si sa formation philosophique préalable entrait en conflit avec la doctrine mystico-cabalistique dont il s’est fait le porte-parole. Mais cette tension est féconde et créative et elle le contraint à élaborer une approche pénétrante et subtile. Entre le récit de la Genèse et la proclamation prophétique, entre ce qui aurait pu être classé comme un conte pour enfants et comme un point de vue adulte de haute inspiration, le cabaliste fraye une voie médiane. Les phrases de Gikatila, parfois un peu bancales, un peu saccadées, traduisent par moment une difficulté conceptuelle que l’élan qui le pousse à écrire parvient seul à surmonter. Comme si les deux extrémités du pont qu’il entend traverser n’étaient pas reliées entre elles et que la voie s’interrompait à un certain moment, séparant deux bords qu’un saut au-dessus du vide permettait de franchir. Les organes du corps humain ressemblent à ceux de la divinité en tant que, et seulement en tant qu’ils sont portent une « intention », et « les formes des organes » de notre corps sont ainsi des « images de signes » des entités d’en haut, autrement dit des membres du corps divin. Indices formels, plastiques, mais d’une « intention ». Comme un récit dont on aurait ôté toutes les péripéties, tous les faits, mais qui continuerait à produire la même impression sur ses auditeurs, à lui faire éprouver les mêmes sensations. « Images », certes, mais de « signes », « formes », mais d’une « intention ». La meilleure illustration qu’aurait pu donner Joseph Gikatila est celle de la musique instrumentale, qui déroule une narration sans histoire, qui ne retient d’un récit et n’en restitue qu’une série d’impressions. Récit épuré jusqu’à ne plus retenir des mots qu’une mélodie sans parole, la vision de l’œil purifiée de toute obscénité n’est pas rendu aveugle, mais il ne voit plus de la même façon, le monde qui s’offre à lui n’est pas le monde ordinaire et ses spectacles affligeants, c’est un monde intérieur, parfait et bon. Cette propension à épurer revient plus loin dans le livre de Gikatila, sous la forme d’une perspective future, messianique, de l’interprétation. Celle-ci est appelée dores et déjà à défaire le texte biblique de ses voiles, des vêtements qui en dérobent la nudité resplendissante qui n’est autre que celle du Maître divin et de Son grand Nom, qui sont pour l’heure cachée, dissimulée sous des appellations et des surnoms qui en sont comme des enveloppes de brume. Ce dépouillement qui met en contact la source première du Livre saint et son lecteur traduit bien sûr un rejet de toute médiation, y compris de toute médiation institutionnelle vers lui. Au moyen d’une interprétation qui défait le texte de ses oripeaux, qui rapproche le lecteur des noms divins qui se dissimulent derrières des noms communs, des verbes, des récits, des personnages historiques ou légendaires, l’homme prend conscience que ses organes épurés sont structurés comme ces noms saints, signes qui disent l’intention de leur Créateur, qui n’est pas une intention extérieure à Dieu, détachée de sa source, mais qui est encore Lui en tant qu’il est volonté et présence. Par ce type d’interprétation, l’homme devient le trône du monde divin, et ce faisant il est lui-même divinisé, il est réduit à un état de recueillement où il n’est plus que lui-même, regard qui ne voit que le bien, main qui ne fait que le bien, pied qui ne va et ne porte que vers le bien, dieu qui a rencontré Dieu. Alors que les lectures de type allégorique tendent à éloigner la matérialité du texte biblique, à écarter ses lettres – sinon sa lettre – du champ d’intérêt et d’attention de l’interprète, c’est au sein même du tissu textuel que Gikatila retrouve les noms divins qui décrivent toutes les parties du « corps de Dieu », de cet ordre supérieur qui aspire à trouver une demeure ici-bas, et d’abord dans le corps de l’homme.
Il en va des middot, ou « vertus », « dimensions », comme il en va des organes : « Il n’est pas de ressemblance entre les vertus du Seigneur béni et nos vertus à nous. Sauf seulement selon la voie de la mémoration d’un signe au moyen d’un nom. » Là encore, le « signe », siman, joue un rôle capital. La question du caractère allégorique de ces développements doit être posée. Une certaine forme de comparaison ou de parabole, qualifiée d’allégorie, existe depuis longtemps dans la littérature hébraïque, et on en trouve maints exemples dans la Bible, en particulier dans le livre d’Ezéchiel. Des siècles plus tard, et nous sautons délibérément plusieurs étapes, comme  nous l’avons rappelé, l’école de cabale extatique, celle d’Abraham Aboulafia, fit aussi appel à l’interprétation allégorique, et même dans le Zohar, en particulier dans ses premières states intitulées Le Midrach Caché (Midrach ha-Néélam), les allégories sont très présentes. Si allégorie signifie le fait d’avoir un autre sens que celui qui apparaît à première lecture ou à la surface du récit, dans ses narrations et ses histoires, alors certes toutes les interprétations mystiques, y compris l’interprétation théosophique juive, peut être dite allégorique. Mais ce serait sans doute conférer à ce mot une signification trop générale, insuffisamment spécifique, pour être pratiquement utilisable. En ce qui concerne Joseph Gikatila, ce qui l’intéresse dans sa pratique du commentaire est de restituer au texte son sens intime, qui est à ses yeux la suite des noms divins qui chacun détermine et incorpore une puissance particulière du monde d’en haut. Ce réseau de noms divins dont le texte biblique est constitué n’est pas pour lui « un autre sens », émergeant de l’interprétation informée et savante. Il s’agit de la vraie littéralité du livre saint, du sens réel des Ecritures, voilé et obscurci par des lectures et interprétations superficielles. Ce qui est allégorie pour les uns est donc sens littéral pour les autres. Je rappellerais une formule très significative d’Abraham Aboulafia : « La malédiction de la [signification] obvie est la bénédiction de la signification cachée, et la malédiction de la [signification] cachée est la bénédiction de la [signification] obvie ».
Quand la question des anthropomorphismes est explicitement abordée, comme ici, ce n’est pas de savoir si l’Ecriture doit être comprise de façon littérale ou pas qui est objet d’interrogation, mais de chercher où se situe la relation entre ce qui est désigné comme des organes de l’être divin et les organes correspondant du corps humain. Cette relation n’est pas purement théorique ou gnoséologique. Ce qui importe, c’est moins sa nature que sa capacité de donner à l’homme la part qui lui revient de l’épanchement d’en haut. En fait, il y a échange de bons procédés : l’homme donne à Dieu un toit, un trône dans les organes de son corps qui deviennent sa demeure ici-bas ; Dieu donne à l’homme l’influx vivifiant de sa présence. Cet échange, ce troc, se réalise également dans le travail d’interprétation des versets. Dieu distribue ses noms dans un livre ; l’homme les recueille par sa lecture efficace. Efficace parce qu’elle vise non pas une élévation spirituelle, une connaissance de faits issus d’un lointain passé, mais à poursuivre l’échange en dehors du moment d’étude et du temps de l’interprétation, dans la vie quotidienne et active. Echange par lequel l’évocation des noms, leur écriture ou leur énonciation orale réveille la source spécifique d’où ils émergent et en fait redescendre l’influx divin bienfaisant. Le Livre révélé et le corps révélateur de l’interprète ne font en définitive que prolonger l’œuvre originelle de la création de l’univers, qui donne existence à ce qui manque. Joseph Gikatila a, de son propre aveu, écrit son livre pour introduire ses lecteurs à un usage sage et consistant des noms qu’il renferme et qu’il faut apprendre à extraire. A le lire avec attention, la distinction académique entre une cabale théosophique et une cabale extatique et linguistique s’estompe. Les émanations ou sefirot sont les noms divins, et inversement. La vie divine se déroule dans le monde de ses noms. C’est en lui que le dynamisme des émanations accomplit son œuvre. L’interprétation des Ecritures n’a qu’une finalité ultime : fait ressortir ces noms de leur abri et de leur camouflage. Le sens des récits est au service de la puissance réparatrice des noms qu’ils renferment. L’exégèse est le travail d’extraction et de libération de ces noms. Aussi les textes bibliques peuvent-ils contenir autant de sens et de significations qu’il est possible d’y déceler, tant que l’on peut en prélever les noms divins, capables d’être employés comme vecteurs de la présence divine qui donne vie à tout ce qui existe.

 
Diverses versions du texte de R. Joseph Gikatila :

Version telle qu’elle est citée et glosée par R. Joseph ibn Gabbay –XVIe siècle) :

(10) ספר עבודת הקודש - חלק ג פרק כד
ידוע מדרך החכמה והאמת, כי אמתת עצם הבורא יתברך איננה מושגת לזולתו, ואין דמיון בינו ובין נבראיו כלם, עליונים ותחתונים, כי אינו בגבול לפי שאינו גוף ולא כח בגוף. ואם כן מה זה שנמצא בתורה תכונת איברים גשמיים מיוחסים לאדון הכל, כגון ידים ורגלים אזנים ועינים, וזולת זה מדברים ועניינים ומאורעות ממאורעות הגוף. יש לדעת ולהאמין, כפי מה שקבלו בעלי העבודה, אמרו כי כל אותם הדברים אף על פי כי כלם יעידון יגידון על גדולת יוצר בראשית ואמונתו, אין כל בריה יכולה לדעת ולהשיג מהות הדבר ההוא הנקרא יד או רגל עין או אוזן. ואם אנו עשויים בצלם ודמות אלהים כמו שהתבאר בפרק הקודם לזה, אין להעלות על לב חלילה כי עין בעין ממש או יד ביד או שצורת זה ותכונתו כצורת זה ותכונתו ותבניתו. אבל הם עניינים פנימיים ופניניים באמתת מציאות אדון הכל יתברך, אשר מהם האור והשפע מתפשט ובא לכל הנבראים. אבל אין מהות יד כמהות יד ולא תבנית יד כתבנית יד, וכמו שכתוב ואל מי תדמיון אל ומה דמות תערכו לו:
והאמונה בכל זה כי אין בינינו ובינו דמיון כלל מצד העצם והתבנית, כי אם על כוונת צורת האיברים שבנו, שהם עשויים כדמיון סימנים ורמזים לדברים עליונים נעלמים, שאין דעת שום נברא יכול לדעתם ולהשיגם, וזה הדמיון אינו גופני כלומר בעצם ותבנית, אלא כדמיון זכרון, ומשלו משל לזה במי שכותב ראובן בן יעקב, שאין אלו האותיות וזאת הצורה עצמותו וצורתו של ראובן ותבניתו ומהותו, אלא זכרון שזה ראובן בן יעקב הכתוב הוא סימן לאותו עצם ותבנית הידוע הנקרא ראובן בן יעקב:
ולפי שרצה הקב"ה לזכותנו, ברא בגוף האדם כמה איברים נסתרים ונגלים כדמיון סימן למעשה מרכבה. ואלו יזכה האדם לטהר אבר מאיבריו, יהיה אותו אבר כדמיון כסא לאותו דבר העליון הפנימי הנקרא בשם זה, אם עין עין, אם יד יד, ואם רגל רגל, וכן שאר האיברים. וכבר בארנו במקומות מזה הספר, כי תכלית האדם הוא תקון הכבוד, ולזה נעשה ונתקן לתבנית המרכבה העליונה לתקנו, וזה התכלית לא יגיע כלל כי אם בעסק התורה וקיום מצותיה, ואחר שזה העסק וזה הקיום, לא ישלם כי אם באיברים גשמיים, חוייב אם כן שיתוקן ויעשה האדם בזאת התבונה וזה התבנית. וגם הכבוד העליון נתקן על סוד דמות דיוקן אדם, להיות נכללים בו עליונים ותחתונים ולפי שהוא כולל הכל נתקן הכבוד בתבניתו:


Version citée par R. Moïse Cordovéro (1520-1570).
(13) ספר פרדס רמונים - שער כב פרק ב
פרק שני:
הרב בעל ספר האורה (בשער א' ד"ב) האריך בכנויים ובעניינם קרוב למה שהתעסקנו בו ולכן נעתיק לשונו הנה. וז"ל דע כי אמיתת עצם הבורא יתברך איננו מושגת לזולתו. ואין בכל המוני מעלה יודעים מקומו כ"ש עצם אמיתתו. הלא תראה מלאכי מעלה מה הם אומרים ברוך כבוד ה' ממקומו (יחזקאל א) בכל מקום שהוא. ואם בעליונים כן בתחתונים עאכ"ו. ואותם העניינים שאנו קוראים בתורה כגון יד או רגל אזן עין וכל כיוצא בהם מהו. דע והאמן כי כל אותם הענינים אע"פ שהם מורים ומעידים על גדולתו ואמיתתו אין כל בריה יכולה לדעת ולהתבונן מהות אותו הדבר הנקרא יד או רגל או עין או אוזן וכיוצא. ואם אנו עשויים בצלם ובדמות אל יעלה בדעתך כי עין כצורת עין ממש או יד כצורת יד ממש או רגל כצורת רגל ממש אבל הם עניינים פנימיים ופנימים לפנימיים באמיתות מציאות השם אשר מהם המקור והשפע יוצא לכל הנמצאים (בגזירת השי"ת). אבל אין מהות יד כמהות יד ולא תבנית כתבנית יד כשה"כ (ישעיה מ כה) ואל מי תדמיוני ואשוה. ודע והבן שאין בינו ובינינו דמיון מצד העצם והתבנית, אלא על כוונת צורת האברים אשר בנו שהן עשוים בדמיון סימנים לעניינים פנימיים סתומים עליונים שאין הדעת יכולה לדעתם אלא כדמיון זכרון. כמו שכותב ראובן בן יעקב שהרי אין אלו האותיות וזו הצורה עצמותו של ראובן בן יעקב וצורתו ותבניתו ומהותו, אלא זכרון שזה ראובן בן יעקב הכתוב הוא סימן כנגד אותו עצם והתבנית הידוע הנקרא ראובן בן יעקב. ולפי שהשי"ת רצה לזכותנו ברא בגוף האדם כמה אברים נסתרים ונגלים בדמיון סימן למעשה מרכבה, ואלו יזכה האדם לטהר אבר מאבריו יהיה אותו האבר כדמיון כסא לאותו דבר העליון הפנימי הנקרא בשם זה אם עין עין אם יד יד אם רגל רגל וכן בשאר. כיצד כגון שנשמר ונזהר במראה עיניו שלא יביט בעריות ולא בשאר דבר של גנאי אלא בכל דבר שהוא קדושת השם ועבודתו אז אותו עין נעשית כמו כסא לאותו דבר הנקרא למעלה עין וכן היד וכן הרגל ושאר הדברים. ועוד אז"ל האבות הן הן המרכבה. ולא אמרו כל אחד מהאבות הוא המרכבה אלא האבות הן הן המרכבה. כיצד אברהם אבינו לקח בטהרה צד הימין וירש ימין של מעלה שהוא מדת החסד וע"ז נאמר (בראשית יב ט) ויסע אברהם הלוך ונסוע הנגבה. ויצחק לקח בטהרה מדת צד השמאל שהוא הפחד וע"ז נאמר (שם לא נג) וישבע יעקב בפחד אביו יצחק. ויעקב לקח בטהרה קו האמצעי וע"ז נאמר (שם כה כז) ויעקב איש תם יושב אהלים כו'. נמצאו השלשה אבות כסא למרכבה. ודברי פי חכם חן, ועם היות שיש חילוק קצת בין דרכו לדרכנו. ועתה רצוננו להקדים בענין הכנויים עוד הקדמה אחת:


Version citée et glosée par R. Isaïe Horovitz (XVIIe siècle) :
 (30) ספר השל"ה הקדוש - תולדות אדם - בית נאמן ג
הרמב"ם במורה נבוכים חלק ראשון ביאר כל התוארים ואמר שהם שמות מושאלים בהשם יתברך, וביאר כל תואר ותואר לענין מה מושאל בהשם יתברך, ביארם בטוב טעם ודעת על דרך הפשט. והרב המקובל בעל עבודת הקודש בחלק התכלית השיג עליו ובארם על פי הסוד לענין מה מושאלים. וזה לשון ספר שערי אורה (ריש שער א'), דע כי אמתת עצם הבורא יתברך איננה מושגת לזולתו, ואין בכל המוני מעלה יודע מקומו, כל שכן עצם אמתתו, הלא תראה מלאכי מעלה מה הם אומרים ברוך כבוד ה' ממקומו, בכל מקום שהוא, ואם עליונים כך תחתונים על אחת כמה וכמה. ואם כן כל אותן עניינים שאנו קורין בתורה כגון יד ורגל אזן ועין ושאר כל כיוצא בהם מה הוא. דע והאמן כי כל אותן העניינים אף על פי שהם מורים ומעידים על גדולתו ואמתתו, אין כל בריה יכולה לדעת ולהתבונן מהות אותו הדבר הנקרא יד ורגל וכיוצא בהם. ואם אנו עשוים בצלם ובדמות, אל יעלה בדעתך כי עין בצורת עין או יד בצורת יד, אבל הם ענינים פנימיים ופנימיים לפנימיים באמיתת מציאות ה' יתברך, אשר מהם המקור והשפע יוצא לכל הנמצאים, אבל אין מהות יד כמהות יד ולא תבניתם שוה, כמו שנאמר (ישעיה מ, כה) ואל מי תדמיוני ואשוה, ודע והבן. ואיננו דמיון מצד העצם והתבנית, אלא כוונת צורת האברים שבנו שהם עשוים בדמיון סימנים עניינים סתומים עליונים, שאין הדעת יכולה לדעתם, אלא כדמיון זכרון מי שכותב ראובן בן יעקב, שהרי אין אלו האותיות ואין זו הצורה עצמה של ראובן בן יעקב וצורתו ותבניתו ומהותו, אלא זכרון שזה ראובן בן יעקב הכתוב הוא סימן כנגד אותו עצם ותבנית הידוע הנקרא ראובן בן יעקב. ולפי שהשם יתברך ויתעלה רצה לזכותנו, ברא בגוף האדם כמה אברים נסתרים ונגלים כדמיון סימן למעשה מרכבה, ואילו יזכה אדם לטהר אבר מאבריו יהיה אותו אבר כדמיון כסא לאותו דבר עליון הפנימיי הנקרא בשם זה, אם עין עין אם יד יד וכן לכל השאר. כיצד, כגון שנזהר ונשמר אדם אחד במראה עיניו שלא יביט ולא יסתכל בדבר ערוה ולא בשאר כל דבר של גנאי, אלא בכל דבר שהוא קדושת ה' ועבודתו, אז אותו עין נעשית כמו כסא לאותו דבר הנקרא למעלה עין, וכן היד וכן הרגל, ושאר כל האברים. ועל זה אמרו רבותינו ז"ל (זוהר ג, רנז, א), האבות הן המרכבה, ולא אמרו כל אחד מהאבות הם המרכבה אלא האבות. כיצד, אברהם אבינו ע"ה לקח בטהרה צד ימין, וירש ימין של מעלה שהוא מדת החסד, ועל זה נאמר (בראשית יב, ט) ויסע אברהם הלוך ונסוע הנגבה. ויצחק לקח בטהרה מדת צד שמאל שהוא הפחד, ועל זה נאמר (בראשית לא, נג) וישבע יעקב בפחד אביו יצחק. ויעקב לקח בטהרה קו האמצעי, ועל זה נאמר) בראשית כה, כז) ויעקב איש תם יושב אוהלים, בין אהל אברהם ובין אהל יצחק. נמצא שלושת האבות כסא למרכבה (עכ"ל שערי אורה). וכן הוא בראקאנטי פרשת ויחי והובא גם כן בספר עבודת הקודש (ובפרדס שכ"א פ"ב :


 
ALLEGORY, an extended metaphor, usually in the form of a narrative, portraying abstract ideas in symbolic guise.
In the Bible
A pure parable differs from a pure allegory in two respects:
(1)    it is simple and credible in itself;
(2)     it begins by saying that case A is like case B.
The parables in the Midrash and Gospels are of this sort (e.g., prodigal son: Luke 15:11–32; fatherless steward: ibid. 16; the 11th hour: Matt. 20:1–16). There are, however, some parables which tell a tale simple and credible in itself but do not begin by saying case A is like case B, but rather leave the hearer wondering, or—at first—deliberately mislead him (e.g., Nathan's parable, I Sam. 12:1–7; the "story" told by the anonymous prophet in I Kings 20:39). The latter might be called quasi-allegories or crypto-allegories. These stories are not as contrived as Ezekiel 17:1ff., which only makes sense as a "riddle" (hidah; Ezek. 17:2). This is not an allegorically applied parable but an allegory pure and simple. A similar quasi-allegory is the "Song of the Vineyard" in Isaiah 5:1–6, which, however, has an allegorical element (cf. verse 6 b) in the story as well as being allegorically interpreted in verse 7. The fact is that biblical Hebrew was hardly aware of a distinction between simile, metaphor, parable, and allegory. Thus, in Ezekiel 24:3 the word mashal designates a metaphor, whereas in 17:2 it introduces, together with the word hidah, a typical allegory (Ezek. 17:3–24). In fact, both these words cover the gamut of figurative language, including not only parable and allegory, but fable, tale, enigma, maxim, and proverb.
Beside allegorical figures, such as kindness (grace; hesed), faithfulness (emet), righteousness (zedek), integrity (shalem) in Psalms 85:11–12, 14 and 89:15, wisdom (hokhmah, hokhmot) in Proverbs 1:20; 8:1, 12;9:1; 14:1, and folly (kesilut, ivvelet) in Proverbs 9:13, 14:1, maiden Israel, fair (lit. daughter) Zion, fair Jerusalem, and similar expressions in various poetical books, there are two principal kinds of allegory in the Bible. The first occurs when the narrative is based upon an image that suggests the intended subject. Allegories of this kind are often found in Ezekiel, perhaps the first Hebrew poet to make an extensive use of the metaphor. Thus, in Ezekiel, 16:3–63, Jerusalem appears as an adulteress, and in Ezekiel 23:2–45, the two adulterous sisters Oholah and Oholibah represent Samaria and Jerusalem. In Ezekiel 19:2–14, there is a twin allegory, in which the lioness and the vine stock symbolize the people of Israel. This allegory is perhaps partially inspired by an originally Sumerian lyric, The Message of Ld. dingir. ra to His Mother (see M. Civil, in: JNES, 23 (1964), 1–11; J. Nougayrol and E. Laroche, in Ugaritica, 5 (1968), 310–19, 444–5, 773–9). Another allegory of the vine stock is found in Psalms 80:9–17. In Ezekiel 31:3–18, the fate of the Cedar of Lebanon symbolizes the destiny of Pharaoh, while the allegory of the shepherds and the flock in Ezekiel 34:2–16, 17–22, alludes to the kings of Israel. Ezekiel's allegorical descriptions are sometimes followed by an interpretation of all the figurative elements, a method found later in apocalyptic literature; symbolic visions are explained by a heavenly being or a man of God. This occurs first in Ezekiel 17:3–24, one of the finest pieces of allegorical imagery, which represents the king of Babylon as an eagle and the house of David as a cedar. The same proceeding is found in Ezekiel's vision of the resurrection of the dry bones (37:1–14), an allegory of Israel's restoration. The description of the invaders' army in Joel 2:1–11 portrays in reality the invasion of locusts, which the poet considered a sign of the Lord's anger. The shepherd's allegory in Zechariah 11:4–14 is a kind of apology of the divine Providence toward Israel. Some visions of apocalyptic literature, such as Daniel 4:7–24 or 7:2–27, are akin to allegory inasmuch as the details have an assigned meaning. The allegory of old age in Ecclesiastes 12:1–7 is, in its individual figures, somewhat akin to a riddle.
The second kind of allegory occurs when the literary composition has a complete meaning contained within itself, independently of the moral or spiritual framework that lies beyond it. There is perhaps one sustained allegory of this type in the Bible, namely the Song of Songs, which is an artistically elaborate anthology of love lyrics. Some scholars have nevertheless attempted to see it as an allegorical narrative about the relations between God and His people. An allegorical interpretation may be imposed by others on a work whose author did not intend it to have any meaning on other than the literal level. The allegorical exegesis of the Song of Songs may reflect such a creative approach to a work, which originally had no allegorical meaning at all. In fact, allegorizing interpretations made their way into Judaism in the first centuries B.C.E. and C.E.
[Edward Lipinski]

In Talmudic and Medieval Literature
Allegory was used in the talmudic period, and especially in the medieval period, in three types of literature, each using allegory in its own, different way:
(a)    homiletical literature used allegory in trying to translate facts and ideas known to the public, into ethical teaching, by discovering the hidden meaning behind the well-known phenomena; allegorical interpretation of Scripture was frequently used in this literary type;
(b)    fiction, both poetry and prose, used allegory in order to develop a multi-level story or poem;
(c)    theological literature, especially medieval philosophy and Kabbalah, used allegory as a means to express the idea that the phenomena which are revealed to the senses are but a superficial and sometimes false part of the divine truth, whereas allegory can penetrate to deeper and truer levels.
The preachers of the talmudic and midrashic literature seldom used complete and systematic allegorical constructions. An attempt has been made to prove that two schools of allegorists existed in talmudic times, the doreshei reshumot and doreshei hamurot, both of which were frowned upon by the leading talmudic scholars. This may well be, and the result was that allegory is found in a scattered, unorganized way in this vast literature. One of the clearest examples of the use of allegory is to be found in the homiletical discussions of Ecclesiastes 9:15, 16 (Eccles. R., ch. 9). Here the characters in the biblical verse are interpreted in several allegorical ways, but each is complete, and explains every detail in the source, whether it is historical allegory, finding in the verse the story of Israel in Egypt, or ethical allegory, describing the relationship between the good and the evil (inclinations) in man. The midrashic preachers in this case, as in a few others, had no doubt whatsoever that the biblical verse is allegorical in nature; they discussed various possibilities of unveiling this allegorical meaning. This is a completely different situation from that found in the interpretations of the Song of Songs as allegory, for in that case the meaning (e.g., the relationship between God and Israel) preceded the detailed allegorical interpretations.
Later homiletical literature, in the medieval and early modern periods, revealed allegorical meanings not only in biblical verses, but in talmudic and midrashic passages. Obscure sayings of talmudic scholars, strange stories told by them (e.g., the stories of Rabbah b. Bar Hana, allegorically interpreted by R. Nahman of Bratzlav in the first years of the 19th century), all served as material for allegorical interpretation, usually within an ethical, moralistic framework. However, here also systematic, allegorical structure is very rare.
The clearest examples of the use of allegory in fiction is to be found in the maqama of the 12th–14th centuries, especially in Spain. Characters in these works are sometimes allegorical entities, usually with some hidden philosophical meaning. Usually it is difficult to distinguish between a well-developed fable and allegorical elements in these works, but some allegorical tendencies are evident. Most of the writers of this school followed examples, or even definite works, by their Arab predecessors or contemporaries. In Hebrew poetry of the period, especially sacred poetry but sometimes also in the secular, allegorical elements may be found. However, it is difficult to point out a separate allegorical school. Abraham ibn Ezra's Hai ben Makiz is one of the best examples of allegorical works of this period.
It is not surprising that theological allegory is to be found more in the homiletical and exegetical works of medieval Hebrew philosophers and mystics than in the "straight" theological works. Allegory was used mainly to reconcile ancient lore with contemporary theology, and homiletics and exegetical literature are usually the meeting place of the old and the new. However, some use of allegory is to be found in stories and fables incorporated in theological works, e.g., in Bahya ibn Paquda's Hovot ha-Levavot," in the writings of R. Shem Tov ibn Falaquera, or even in Maimonides' famous "parable of the Palace" (Guide, 3:51).
The philosophers used allegory not only to explain away the physical attributes of God in the Bible and the talmudic literature. They interpreted whole biblical stories as allegory. This tendency is less evident in the early development of Jewish medieval philosophy; it came into its own only in the 13th century, in the writings of Maimonists like R. Zerahiah Hen (see Gracian), in his polemical letters and his exegesis of the book of Job, or R. Jacob Anatoil, in his homiletical work, Malmad ha-Talmidim. In works like these, one plot is substituted for another: the story of Abraham and Sarah, for example, becomes a parable of the relationship between matter and form, and Noah's three sons represent the three Platonic social classes.
[Joseph Dan]

In Kabbalah
Allegory does not occupy a prominent place in kabbalistic thought and insofar as kabbalists used it, they were influenced by philosophical exegesis. The specific domain of kabbalistic thought is the aspect of sod ("mystery"), that is, viewing the processes of the world or interpreting the Scriptures in a manner which refers them to the mystery of the Godhead and its hidden life. However, opposed to sod is remez ("allusion"), which is allegory. Philosophical commentaries did not talk of processes within the divine world revealing themselves through symbols; but of parallelism between biblical data, e.g., the stories of the Bible, and philosophical views derived from Greek and Arab tradition. Such commentaries recur in certain parts of the Zohar, especially in the Midrash ha-Ne'lam concerning the stories of the patriarchs and Ruth, where these stories were interpreted as allegories of the fate of the soul in its descent from above into the human body, its vicissitudes inside the body, and the future allotted to it after death and in the world to come. Here and there such commentaries are also found in the main body of the Zohar. In kabbalistic literature this type of allegorical interpretation is prominent among those kabbalists who tended (especially in the 13th and 14th centuries) to seek a compromise between philosophy and Kabbalah, and to develop mystical views beyond the specific theosophical system of Sefirot. The main representative of this conception is lsaac b. Latif. In the wide-ranging commentary on the Pentateuch of Bahya b. Asher the allegorical parts ("rational exegesis") were separated from the kabbalistic parts ("exegesis in the manner of the Kabbalah"). Allegorical interpretations are also found in the writings of kabbalists like Joseph ibn Waqar and Samuel ibn Motot. Allegory of the type which interprets the words of the Scriptures as referring to the history of man and his fate is found in abundance in the hasidic literature which combines the manner of the allegoristic and aggadic interpreters with the style of the kabbalists.
[Gershom Scholem]

Modern Literature
Influenced by kabbalistic symbolism modern Hebrew (and later also Yiddish) literature developed the allegorical drama, of which the most outstanding examples are the moralistic dramas of Moses Hayyim Luzzatto (e.g., La-Yesharim Tehillah). As to prose writings, while it is probable that the stories of R. Nahman of Bratslav are of an allegorical nature, as they were later interpreted, there is no distinct allegory until the appearance of Di Kliatshe (Heb., Susati) of Mendele Mokher Seforim. Also some of the writings of I. L. Peretz and S. Y. Agnon (e.g., Pat Shelemah, Shevu'at Emunim) were interpreted as allegories. Note should also be made of many political allegories which flourished during the years of Jewish underground activities in Erez Israel in times when writers had to disguise their message for fear of the censors.
[Editorial Staff Encyclopaedia Judaica]



 
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