Pour Information Juive – février 2004, n°235


 


LECTURES DES OUVRAGES DE CHARLES MOPSIK

 


Compte rendu de Catherine Chalier sur

LE SEXE DES ÂMES
      

CHARLES MOPSIK POUR MEMOIRE


Charles Mopsik auquel le judaïsme de langue française doit tant nous a quittés de façon très prématurée et avec la même discrétion que celle qui anima sa vie. Dans ce livre posthume, il revient sur une des questions qui l'ont beaucoup préoccupé : Celle de la différence sexuelle pensée à la lumière des sources de la Cabale. Déjà dans son étude de présentation de la Lettre sur la sainteté (Les Dix Paroles, Verdier, 1986), puis dans l'édition du Traité de Joseph Gikatila, David et Bethsabée, le secret du mariage ( l'Eclat, 1994), il avait montré combien les cabalistes avaient été attentifs à la polarité du masculin et du féminin au cœur de chacun(e), au secret du baiser et du mariage, à la possibilité enfin de vivre la relation sexuelle en proximité du divin.

Deux des cinq études présentées explorent les interprétations mystiques des versets de la Genèse sur le couple humain : "Mâle et femelle Il les créa" (1, 27) ; "Ils seront une seule chair (2, 24). Charles Mopsik montre que si les cabalistes justifient souvent les préjugés courants sur la supériorité du masculin et sur l'infériorité du féminin, avec une autorité d'autant plus grande qu'elle est censée prendre source dans la Torah c'est pour des raisons déconcertantes pour la mentalité occidentale. Le masculin est en effet pensé comme image de la douceur et de la miséricorde divine, le féminin comme celle de sa sévérité et de son jugement. Le féminin est à soumettre car la miséricorde doit garder la prévalence ! On voit dès lors que la théologie sous-jacente à ces réflexions ne peut aucunement se réduire à celle d'un Dieu pensé comme Père.

Charles Mopsik insiste, avec les cabalistes, sur la dimension féminine et maternelle du Dieu d'Israël et sur la nécessité de remettre en question l'idée d'une toute puissance divine. Les cabalistes ne cherchaient d'ailleurs pas à échapper aux anthropomorphismes bibliques qui attribuent une sensibilité, voire une sensorialité, à Dieu, ils n'hésitaient pas à penser un Dieu affecté par l'attitude des hommes. Or, en retour, leur théologie permet aussi de valorise les aspects affectifs, sensibles et sensuels de la vie humaine. Leur pensée mystique n'appelle à aucun détachement du corps mais à la pensée de son secret.

L'étude intitulée "La femme masculine" est particulièrement étonnante, pour d'autres raisons elle montre que les questions comme celle de la stérilité d'un couple, de l'absence du désir chez l'un(e) de ses membres, de la bisexualité ou encore de l'homosexualité.

Leur réflexion sur le sexe des âmes montre que, selon eux, rien, dans la réalité n'échappe à la polarité sexuelle. Il arrive toutefois parfois qu'une disharmonie se fasse jour entre le sexe du corps et celui de l'âme. Ainsi une âme masculine – ou féminine – peut se trouver dans un corps féminin – ou masculin – par suite d'une transmigration et d'une réincarnation destinées à la purifier. Dès lors, dans cette perspective, loin de condamner purement et simplement l'homosexualité, les cabalistes cherchaient à comprendre si une telle disharmonie entre l'âme et le corps n'était pas à l'origine de cette attitude. Cette étude ouvre également des perspectives inédites et stimulantes sur des questions modernes come celle de la procréation et du clonage. Elle incite enfin à penser la place et la nature du corps au moment de la résurrection.

Catherine Chalier


Pour Information Juive – février 2004, n°235
(Charles Mopsik, Le Sexe des âmes, aléas de la différence sexuelle dans la cabale, éditions de l'Eclat, 2003).



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