L’âme et l’empreinte du corps
dans
la mystique juive du Moyen Âge
La cabale peut être considérée
comme la principale doctrine mystique et ésotérique du judaïsme. Elle apparaît
sur la scène de l’histoire vers la fin du XIIe siècle dans le Languedoc et
connaît un essor considérable dans le nord de l’Espagne au XIIIe et au XIVe
siècle. Parmi les multiples courants qui l’ont traversée, l’école théosophique
devint vite prépondérante et s’imposa en particulier grâce au Zohar (Le Livre de la Splendeur), qui fut accueilli comme la
« Bible » de la spiritualité juive par les cabalistes et au-delà
d’eux dans de nombreuses communautés juives à travers le monde. Si le centre de
gravité de la spéculation cabalistique est la structure de l’être divin, l’âme
humaine constitue un sujet de prédilection parce qu’elle récapitule tous les
degrés de la chaîne des émanations et qu’elle exprime dans son éminence et dans
sa forme la figure même du Créateur. Mais pour les cabalistes, la formule
biblique selon laquelle « Dieu créa l’homme à son image » (Genèse
1:26-27) n’implique pas seulement une conformité de l’âme avec la forme du Dieu
manifesté dans la pluralité de ses émanations (les sefirot), mais elle concerne
aussi le corps humain et sa forme. Celui-ci est l’abri, le
« vêtement » de l’âme durant son séjour terrestre, et c’est par son
intermédiaire qu’elle entre dans le domaine du devenir et de la liberté. Nous
nous proposons d’étudier les effets de la vie corporelle sur le sort de l’âme,
à la fois ici-bas et dans l’au-delà. Le corpus concerné par notre projet
comprend essentiellement la littérature cabalistique des écoles théosophiques
des XIIIe et XIVe siècle, en France du sud, en Espagne et en Italie.
L’interaction entre matière et esprit, les résonances de l’univers
spatio-temporel sur le cosmos divin considéré comme un macro-anthropos
devraient être au centre de nos préoccupations.
Charles Mopsik
A Paris le 07 09 1998